.............
Comment lutter contre la mortalité maternelle
Le taux de mortalité maternelle - nombre de femmes décédées pendant la grossesse ou suite à l’accouchement - au Sénégal figure parmi les plus importants du monde : 390 cas sur 100 000 naissances ont été enregistrés par l’Unicef en 2012. En cause : la vie reproductive des femmes sénégalaises, à laquelle leur santé est directement rattachée.
Dans le pays, la fécondité est caractérisée par des grossesses précoces - beaucoup de jeunes filles sont mariées dès l’âge de 13 ans - rapprochées et nombreuses. L’indice synthétique de fécondité (ISF) du pays s’élève à 6,4 et surpasse l’ISF moyen de toute l’Afrique de l’Ouest (5,5) comme l’indique le rapport 2010 du programme des Nations Unies pour le développement. Des conditions à risques qui favorisent les complications médicales au moment de l’accouchement. L’accès aux soins prénataux et postnataux demeure très insuffisant et très inégalitaire selon les régions : 38% des accouchements seulement étaient assistés par le corps médical dans la région de Louga contre 86% pour la région de Dakar en 2009.
Les femmes enceintes ne sont que 62% à suivre les consultations prénatales jusqu’au bout selon l'Unicef.
Autre facteur à l’origine d’environ 10% des décès maternels : l’interruption de grossesse qui, avec l’infanticide, constitue 38% des causes de détention des femmes au Sénégal selon l’OMS. La loi est l’une des plus restrictives au monde dans ce domaine. Considérée comme une infraction par le Code Pénal, l’interruption de grossesse peut valoir jusqu’à 3 ans de prison et un million de francs CFA d’amende (1 500€) à ses auteurs.
Le sujet est hautement sensible dans le pays mais des voix s’élèvent pour tenter de modifier la législation actuelle. Task Force, un regroupement de 18 associations pour la défense des droits humains, est la plus importante. En novembre 2013, le collectif a rappelé au gouvernement sénégalais - à l’aide d’une pétition en ligne - ses engagements lors de la signature du Protocole de Maputo en 2005. Dans son viseur : l’article 12 de la convention incitant les États signataires à "protéger les droits reproductifs des femmes" en autorisant l’interruption de grossesse médicalisée "en cas d’agression sexuelle, de viol ou d’inceste et lorsque la grossesse met en danger la santé de la mère et du fœtus". Seule la seconde partie est respectée par le Sénégal qui autorise l’interruption de grossesse thérapeutique.
De plus en plus de mouvements de femmes se font entendre sur le sujet à l’instar de l’Association des juristes sénégalaises (AJS) qui souhaite que le pays adopte une loi autorisant l’interruption de grossesse pour les jeunes filles violées. Il est difficile de déterminer combien de jeunes filles sont concernées car les données sont rares. Cependant, le Centre de guidance infantile familiale (Cegid) a enregistré 420 cas d’abus sexuels sur mineures (7 à 14 ans) en deux ans au Sénégal. Près de 30% sont tombées enceintes et la moitié a été contrainte de subir une césarienne à cause de leur jeune âge. Face à ces chiffres, l’AJS se bat pour que l’interruption de grossesse médicalisée "gratuit et sans condition en cas de viol et d’inceste" soit inséré à la loi de 2005 sur la santé et la reproduction.