Le tourisme solidaire
Le tourisme solidaire
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Les nouveaux enjeux au Sénégal

En quoi l’Afrique de l’Ouest est singulière dans le tourisme solidaire ?

Camille Fleury : « Le Tourisme solidaire s’est développé dans cette région sur le modèle du tourisme rural français et sur le souhait des populations locales. L’offre de tourisme  équitable et solidaire correspond à une offre des territoires d’accueil et non à une réponse à la demande de soleil et de voyages bons marchés des touristes. Cette forme alternative de tourisme entend revaloriser la notion de ''Voyageur'' et non de « Touriste » et permettre une rencontre plus authentique des populations locales ».

Le tourisme solidaire représente quel pourcentage en Afrique de l’Ouest ?

« On assiste depuis plusieurs années à une chute drastique de la fréquentation touristique en Afrique de l’Ouest et au Sénégal. Le tourisme solidaire continue à y représenter entre 0,5% et 1%. On entend par ces chiffres une offre de tourisme solidaire s’appuyant réellement sur ses principes fondateurs. En effet, il existe désormais et de plus et plus de tours opérators revendiquant une offre équitable et solidaire qui ne correspond en réalité qu’à une artificialisation de l’offre pour répondre à une demande nouvelle de consommation responsable. Tout cela amène souvent à une mise en scène, une exploitation des cultures faite à partir des représentations que les touristes souhaitent retrouver en voyageant. Et qu’ils retrouvent donc, de fait ! Cela perpétue ainsi une forme d’auto-alimentation de la méconnaissance mutuelle et de rencontres artificielles. Avoir des représentations sur l’autre, sa culture, ses pratiques est profondément humain mais utiliser ce phénomène comme le font la plupart des tours opérators pour dégager des profits est fortement critiquable. C’est donc l’objectif que se donne le tourisme solidaire : ouvrir les yeux de manière douce, les consciences. C’est du militantisme politique et philosophique ».

Comment le tourisme solidaire évolue dans cette région ?

« La principale difficulté est donc de trouver un leader sur le territoire pour porter les valeurs du tourisme solidaire. Tant au niveau des offices et inspections du tourisme que des ministères, il n’y a personne pour défendre et diffuser ces valeurs. Nous avons produit ces dernières années plusieurs études, notamment en Casamance ou au Sénégal oriental, menées par des volontaires de l’association ou par des universitaires prestataires. Elles ont démontré notamment le besoin conséquent de formation des acteurs du tourisme et de communication sur l’offre ».

Quels sont les difficultés auxquelles il est confronté ?

« Une des grandes difficultés est de devoir passer par les tours opérators locaux ou les principes de fonctionnement ne sont pas les nôtres pour pouvoir proposer des offres de voyages. De plus, les voyages équitables et solidaires restent chers, avec des coûts importants impactés de par la fabrication sur mesure. Par principe, ils sont organisé avec peu de voyageurs, les frais généraux sont donc en conséquence divisés par un petit nombre. Le Fonds de solidarité qui alimente des projets communautaires se retrouve également dans le prix, à hauteur d’environ 12%. Enfin, tous les salariés, intervenants, prestataires d’ICD-Afrique, et des acteurs du tourisme équitable et solidaire (TES) en général, sont rémunérés sur une volonté de prix juste et équitable. Faire d’une activité de TES, une activité rémunératrice est donc un défi car cela reste coûteux ».

Quels sont les enjeux du tourisme solidaire en Afrique de l’Ouest ?

« Le tourisme équitable et solidaire représente un moyen de créer des économies rurales, de diversifier les sources de revenus mais aussi de mieux faire connaître la culture, les activités et les pratiques  d’une région. Cela peut représenter une compensation aux pertes dues à la crise économique, à la désertification. Cependant, l’enjeu est de ne pas en faire une spécialisation car c’est bien trop dangereux économiquement, l’activité touristique étant dépendante de beaucoup de phénomènes extérieurs non maîtrisables. Cela doit rester une activité complémentaire. Il faut donc professionnaliser l’activité sans que celle-ci ne devienne unique. Il faut également favoriser et organiser la  mise en réseau des acteurs du secteur et permettre localement une meilleure compréhension de la demande occidentale sur ce tourisme équitable. Enfin, il y a un plaidoyer à mener pour faire baisser le prix de l’aérien sur l’Afrique de l’Ouest. De manière plus utopique, il s’agit de redonner ses lettres de noblesse au voyage, faire en sorte qu’il s’agisse d’un projet adapté, individualisé. Souhaitons de plus que se développe une véritable appropriation du tourisme équitable et solidaire par les populations locales et non par les acteurs du tourisme traditionnel ».