Le tourisme solidaire
Le tourisme solidaire
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Les nouveaux enjeux au Sénégal

« L’Afrique est l’une des régions touristiques ayant la plus forte croissance au monde ces dix dernières années » relève le rapport 2014 de l’Organisation mondiale du tourisme (OMT). Alors que les arrivées touristiques sur le continent ont connu une croissance de 6% - atteignant le nouveau record de 56 millions en 2013 - les pays de l’Afrique de l’Ouest peinent à progresser dans le domaine, conflits armés et crise sanitaire obligent. Malgré sa stabilité politique, le Sénégal n’a enregistré qu’une très faible augmentation de 0,8% en 9 ans : le nombre de touristes n’est passé que de 667 000 en 2003 à 992 000 en 2012 selon le ministère du Tourisme sénégalais (MTTA). Quels sont les nouveaux enjeux du tourisme équitable et solidaire dans ce contexte difficile ? Eléments de réponse avec Elsa Miroux, chargée de mission Garantie et Evaluation au sein de l’Association pour le tourisme équitable et solidaire (ATES) - premier réseau français des acteurs du tourisme équitable et solidaire regroupant 33 membres dont 12 agences de voyages - et Camille Fleury, chargée de mission Tourisme à l’Institut de coopération pour le développement en Afrique (ICD Afrique).

Quels sont les objectifs de l’ATES ?

Elsa Miroux : « L’ATES a été créé en 2006 par la fondation Ternelia, l’UNAT (Union Nationale des Associations de Tourisme) et la PFCE (Plateforme pour le commerce équitable). Animant depuis sa création un important projet d’évaluation des pratiques de ses membres, l’ATES porte depuis décembre 2014 le label ''Garantie tourisme équitable et solidaire'' reposant sur un système d’évaluation exigeant. Active à l’international, l’ATES a aussi pour objectif de porter la voix du tourisme équitable et solidaire auprès d’acteurs européens (elle est ainsi membre fondateur du réseau EARTH) mais aussi d’accompagner des acteurs locaux dans le développement de leur projet de tourisme équitable et solidaire. L’ATES inscrit ainsi son action dans trois domaines: l’économie sociale et solidaire, de part la nature de ses membres (associations, coopératives) et des valeurs portées, le commerce équitable en promouvant ses valeurs fondamentales (rémunération juste, partenariat équilibré notamment) et la solidarité internationale (accompagnement des réseaux locaux de tourisme équitable et solidaire et existence d’un fonds de développement pour chaque séjour de ses membres). L’ATES a pour objectif de définir et de porter la voix d’un autre tourisme, fait de rencontres, d’échanges et de découverte des peuples et des cultures du monde ».

Quelle est votre définition du tourisme solidaire ?

« Le tourisme solidaire regroupe les formes de tourisme ''alternatif'' qui mettent au centre du voyage l’homme et la rencontre et qui s’inscrivent dans une logique de développement des territoires. L’implication des populations locales dans les différentes phases du projet touristique, le respect de la personne, des cultures et de la nature et une répartition plus équitable des ressources générées sont les fondements de ce type de tourisme. Cette définition a été élaborée en 2004 par un Comité de pilotage constitué de l’UNAT, des associations de tourisme solidaire et de leurs partenaires et aujourd’hui portée par l’ATES et l’ensemble de ces membres. L’ensemble des 56 critères d’évaluation sont aussi une illustration concrète de la vision du tourisme équitable et solidaire porté par l’ATES ».

Quelle part représente le tourisme solidaire au sein du tourisme mondial ?

« Il faut être réaliste, même si aucun chiffre précis n’existe, le pourcentage du tourisme solidaire dans le tourisme mondial est à ce jour tout petit. L’ATES ne dispose que des chiffres de ses adhérents mais en 2013, le marché des membres de l’ATES représentait environ 2000 voyageurs, un chiffre en baisse depuis 2009. Cette baisse s’explique pour plusieurs raisons : La crise financière et plusieurs événements géopolitiques ont fortement affecté l’activité des membres de l’ATES. Les événements en Afrique de l’Ouest (la guerre au Mali, les activités terroristes d’AQMI) mais aussi les printemps arabes ont fortement affecté la fréquentation de ces destinations historiques du tourisme équitable et solidaire. Ce type de tourisme reste un marché de niche, peu connu du grand public, ce qui ne favorise pas son développement ».

Quelles sont, justement, les possibilités de développement du tourisme solidaire ?

« Les possibilités de développement sont réelles et encourageantes : de plus en plus de français s’intéressent aux types de tourisme ''alternatif'' et une offre croissante existe dans les destinations. Le développement d’initiative similaires à celle de l’ATES dans d’autres pays est aussi positif: la démarche d’Eco Bénin, de Fair trade tourism in South Africa, des réseaux latino-américains comme TUSOCO (Bolivie), FEPTCE (Équateur) et bien d’autres sont aussi un gage de pérennité pour les initiatives de tourisme équitable et solidaire. Un effort particulier doit donc être fait en terme de promotion et de structuration des acteurs afin d’augmenter le nombre de voyageurs équitables et solidaires ».

En quoi consiste le projet PICRI, mis en place par l’ATES ?

« Le PICRI (Partenariat institutions citoyens pour la recherche et l’innovation) est un programme de recherche-action qui tente d’allier la recherche scientifique aux projets d’acteurs de la société civile. Financé par la Région Ile de France, le projet PICRI vise à promouvoir le tourisme équitable et solidaire (TES) par le renforcement de la crédibilité des acteurs vis-à-vis du grand public. Son objectif principal tient dans la construction d’un système d’évaluation adapté aux besoins et contraintes des membres de l’ATES tout en s’inscrivant dans l’exigence d’une co-construction de l’outil avec les partenaires du Sud. Par exemple, le PICRI a permis à la doctorante Amandine Southon d’effectuer 5 missions de terrain dont une en Afrique de l’Ouest afin d’étudier les partenariats des membres de l’ATES mais aussi d’établir un référentiel de bonnes pratiques du tourisme équitable et solidaire permettant d’identifier les bonnes pratiques des acteurs locaux et français et à terme de créer un référentiel complet permettant d’évaluer de manière complète les acteurs du tourisme équitable et solidaire ».